09 octobre 2007

forêt - forest

forêt - forest



Prise le 30 septembre à 11H à Jabreilles-les-Bordes (Haute-Vienne)

"Forêt" a la même racine que les mots anglais "foreign" (étranger) et allemand "Forbidden" (interdit). Cette racine remonte au temps où la forêt était le domaine exclusif du seigneur, qui y exerçait son droit de chasse et où les serfs ne pouvaient pénétrer. C'était aussi le domaine des légendes et de l'inconnu.

La forêt qui s'étend autour de mon village du Maillorat, et sur une bonne partie des monts d'Ambazac est une forêt spontanée qui s'est développée à la faveur de la déprise agricole du début du siècle dernier, notamment à partir d'implantations plus anciennes comme "le bois sauvage" et "le bois des échelles" dont on trouve trace dans les récits de la colonisation romaine.

Ici, pas de futs majestueux, ni de riantes clairières, mais des pentes abruptes où chaque arbre lutte pour la vie, étouffant au besoin ses voisins. Dans les chablis laissés là par les tempêtes, des ronciers occupent toute place où la lumière pénètre, en concurrence avec les fougères.

Dès l'on quitte les anciens chemins, les raccourcis sont trompeurs et signifient immanquablement des allongements de parcours, et suivre une "coulée" de chevreuil ou de sanglier conduit bien plus souvent à un roncier inextricable qu'à un sentier praticable. On ne peut s'y perdre, car la pente mène surement à la vallée, mais on peut s'y égarer durablement.

C'est une forêt où chaque mauvaise saison amène au promeneur familier des lieux son lot d'obstacles inattendus ; ici un groupe d'arbre couchés les un sur les autres, abattus par le vent, là un muret effondré, un chemin envahi par le ruisseau ; Pas question de s'y aventurer sans des bottes et des pantalons de toile épaisse résistante aux ronces. Certains lieux que je fréquentais voici quelques années sont devenus inaccessibles, alors qu'à l'inverse d'autres se sont ouverts, à la faveur de la pousse du taillis, qui, arrivant à maturité, s'éclaircit et libère le passage.

Une forêt, donc, qui n'est guère photogénique, et qui vit sa vie désordonnée et tumultueuse sans égards pour le promeneur, l'intrus. Une forêt qu'il faut parcourir sans relâche pour n'en connaitre bien qu'une infime partie et pour un temps très court. Mais le privilège est là : quitter le sentier, lui même à peine deviné pour s'enfoncer dans le couvert de feuilles et de ronces, où l'on devine que personne n'a pénétré depuis de très nombreuses années, c'est le même plaisir que celui que l'on éprouve à engager ses pas sur une étendue de neige vierge.


The word "forest" has the same root than "foreign" or than the german "forbidden". It cames from the times when the forest was the exclusive domain of the lord for his hunting where serves were not allowed to enter It was also the domain of legends and unknown.

The forest near my village (and on mostly the whole countryside of Ambazac) has grown spontaneously as the farmers deserted the fields in the early 20th. But it's heart is far more older as it appears that "le bois sauvage" et "le bois des echelles" are named in some reports from the roman colonization.

No majestic trunks there, neither pleasant clearings, but hard slopes where each tree fights for it's life, stealing ligth and air to it's neighbour, if needed. Among the wrecked trees from the storms, the brambles grow high, and so do the ferns.

Beware,if you step away from the old path. Short cuts shall fool you, and leave you right in the heart of a hugue bush of brambles, whith no way out. One can't get lost, as the slope always leads to the valley, but one can lose one's way for quite a long time.

It is a forest where each hard season brings its burden of unexpected obstacles to the stroller ; here a bunch of high trees brought down by the storm , there a colapsed bank or a path drowned by a stream. No chance to get in there without boots and thick cotton trousers. Some places I used to visit years ago are now out of reach, as some other opened, as the young trees grow and free the way.

Not a forest for the photographer, as it lives it's untidy life with no consideration for the walker, the intruder. A forest one has to run into tirelessly, just to learn a tiny piece of it and just for a short time. But here is the privilege : walk away from the path and step among the brambles and the ferns, where nobody ever get into for years, it gives the same pleasure than to drive it's steps on a large stretch of virgin snow.


... bon, ben je ferais pas ça tous les jours...

16 commentaires:

Anonyme a dit…

Moi je la trouve au contraire fort photogénique cette forêt, c'est superbe le coin où tu vis, c'est ou que je m'y arretes un jour pour quelques photos ???
Et avec un lèger flou artistique...tu as essayé ???? Pour faire ressortir ce coté étrange, mystérieux de la forêt ???
Bonne journée
Adré

Lucie a dit…

Des souvenirs de forêt j’en ai plein moi aussi. J’imagine que tout le monde en a... Comme toi, je pourrais écrire un livre. Ou du moins un long chapitre.


En Côte d’Ivoire nous vivions ds la forêt du Banco. Elle était autour de la maison. Nous voyions les singes se balancer ds les arbres. Ma forêt, elle avait des lianes, des roses de porcelaine, des colonnes de fourmis magnan, des bégonias qui poussaient sur les talus. Des noix monocoques que l’on appelait atias, des bêtes qui criaient "ahua" la nuit et qu’on appelait ahuas. Un marigot, qui était le Banco où il y avait des tilapias, des poissons chats et des migrobis. Une source qui était un puit artésien. Une falaise en latérite où nous dénichions les œufs de margouillats.

Mais la forêt c’est comme la brume. Quand on est comme moi, il faut toujours être avec quelqu’un si on veut en sortir. Ma forêt elle était plate. J’y partais derrière mon frère aîné qu’avait une machette. J’avais horreur d’être la dernière de la file. L’impression d’être épiée comme par le tigre de l’Oussouri ds le film "Derzou Ouzala". Nous avions aussi des bottes, Une fois, je me suis enfoncé une saprée épine. Pour enlever la botte, en peine brousse ça pas été de la tarte. Quand t’es seule parce que tu as été distancée et que t’entends des bruits de singes autour de toi, ouais, la forêt c’est pas toujours de la tarte...

Mais ma forêt qui était une brousse, même maintenant, en pensées je m’y promène. Et je m’y perds encore

PS : t’es devenu un "blog texte et photo" ? Tu as bien fait. Tu peins aussi bien avec tes mots qu'avec tes images

Lucie a dit…

Erratum : Ton blog photo est devenu...

Anonyme a dit…

étonnante cette superposition des plans : cette photo a beaucoup de relief et l'on sent que l'on pourrait se perdre dans ce fond "blairwitchien". limite inquiétante cette forêt....

Anonyme a dit…

on croirait une miniature anglaise de la plus belle facture ! quel bon génie vous habite !

lyliane six a dit…

Qu'elles couleurs magnifiques d'automne et le texte est superbe il faut persévérer!

hpy a dit…

Des forêts il y en a de toutes sortes. Des forêts de feuillus, d'autres de résineux, voire un mélange des deux. A mon humble avis, les forêts dont on prend soin sont les plus belles. La fougère fait peut-être partie de la forêt, les ronces pourraient bien rester ailleurs. Mais tout ceci n'est qu'une question de géographie.

Algoine a dit…

Ben dis donc, si tu ne la trouves pas photogénique, ta forêt, qu'est-ce qu'il te faut !! :D J'aimerais bien m'y perdre un peu, d'ailleurs.

Bon, de mon côté, je ne poste plus grand chose, mais mon boulot pour cette année est énoooorme. J'accumule les nuits blanches pour terminer mes planches de dessins. Mais promis, le ptit faune va vite remontrer le bout de son nez ! ;)

Anonyme a dit…

OOOOOOHHHHH quel beau message que celui-là. Je crois que c'est la première fois que je lis autant de choses en-dessous de votre photo. Et c'est un réel plaisir de vous lire. Si les serfs ne pouvaient entrer dans la forêt, je pense que les cerfs ne se gênaient pas. ;-)
Quand j'étais plus petite, nous allions à la montagne dans un chalet d'alpage avec mes parents. Chaque WE, j'allais en "pélerinage" pour voir "mon gros sapin". Un arbre magnifique, bien vieux mais si attentif à mes histoires. Je lui parlais et j'avais l'impression qu'il m'écoutait. Et pour reprendre les commentaires de ceux qui sont passés avant moi, je pense que votre forêt est en tout point photogénique. Vous êtes trop modeste sans doute. Merci donc pour ce très beau message.

Ah oui, pour répondre à cergie, moi je n'ai pas besoin d'être près d'une forêt pour voir des singes. Les singes, ce sont mes collègues. Mais chuuuuuutttt.

Daniel a dit…

La forêt limousine est superbe en cette saison et au contraire très photogénique à voir la photo publiée.
Vivement la semaine prochaine. J’ai réservé un gîte à Chatelus le Marcheix.

Anonyme a dit…

Magnifique,
Bon, je m'y connais pas en photo, mais la lumière est splendide, on dirait une peinture romantique ;-)
J'aime bien les équilibres sombres/clairs et proche/lointain; Ca donne de la profondeur et de la dynamique; Le regard se balade dans la photo comme le promeneur dans la foret!
wouaw!

claude a dit…

Quelle fabuleuse photo et les autres aussi, Bel album de vraies merveilles ! On dirait un peinture impressionniste. Dans mon coin il y a la forêt de Bercé mais j'ai de grands et beaux souvenirs de la forêt de Fontainebleau où nous allions passé certains dimanches après midi à escalader les rochers.

lyliane six a dit…

Merci Maxime, hé oui! les êtres aimés restent toujours présents dans nos esprits avec les joies que nous avons partagées ensemble.Bon Week end.

Maxime a dit…

J'avais promis de parler un peu de ma forêt ; eh bien voila, c'est fait. Je suis content que cela vous ait plu, et, qui sait, peut-être trouverais-je encore à en dire d'ici la fin de l'automne, la saison où elle se fait une beauté.
Savez-vous, par exemple, que l'on y cueille des giroles du mois de mai à fin octobre, suffisamment pour en manger chaque jour à satiété ?
(j'ai dit cueillir, et non trouver, car celui qui y vient par hasard repartira probablement bredouille, faute d'en connaitre les jardins secrets).
Bon courage à Jean, et bonnes vacances à Daniel, il y a de superbes ballades à faire du coté de Chatelus.

Maxime a dit…

Ps : Lucie , lapsus révélateur, hé, hé ;-)

Chamamy a dit…

il ne manque plus qu'àfredonner "Une chanson douce" pour voir surgir la biche et le Chevalier...

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